Droit de réponse : Pseudo-science ou pseudo-controverse ? Imprimer
Écrit par Christian BUSON   
Mardi, 17 Mars 2020 18:52

Pseudo-science ou pseudo-controverse ? Christian Buson ISTES février 2020

Réponse à l’article de Jean-Paul Krivine et Philippe le Vigouroux sur les algues vertes sur le littoral breton : vers la fin d’une controverse scientifique ? paru dans la revue Science et pseudo-sciences n°331 janvier/mars 2020

 

L’article de SPS ne s’appuie nullement sur les mécanismes biologiques en jeu pour expliquer ce phénomène écologique, mais a recours essentiellement à des suppositions à caractère sociologique.

L’article ignore le fond du sujet : le lien supposé entre la prolifération des algues et les apports azotés par les rivières (dit azote terrigène) est-il établi oui ou non ? Et peut-on espérer, réguler le phénomène en agissant sur cet azote terrigène seulement, comme le préconisent différents experts depuis de nombreuses années ?

En réalité, c’est l’hypothèse initiale des chercheurs de l’Ifremer qui supposaient ce lien entre l’azote terrigène et les proliférations d’ulves ; mais les propres mesures menées par l’IFREMER ont ensuite infirmé cette hypothèse. Ces résultats ont été publiés et nous les avons ensuite repris dans nos publications (articles de 2005 et de 2012). Celles-ci ont été acceptées dans une revue scientifique à comité de lecture de l’université de St Jacques de Compostelle. Les deux auteurs ignorent ces deux publications dans leur article.

En science, ce sont les faits et les mesures qui doivent prévaloir sur les simulations obtenues par des modèles.  Si une hypothèse est contredite par les mesures, il est nécessaire d’abandonner cette hypothèse et d’en imaginer d’autres. Dans le cas des marées vertes nous assistons depuis de nombreuses années à une convergence entre le maintien d’hypothèses contredites par les mesures, la surprenante volonté de discréditer les activités agricoles, la pression récurrente d’associations militantes.

Dès lors que l’azote terrigène n’est pas en cause, et que sa réduction ne pourra avoir le moindre effet sur la résorption des biomasses algales, il est inutile de poursuivre la « pseudo-controverse » et les suspicions gratuites aux relents complotistes.

L‘article fait référence à « deux expertises collectives », mais ce sont les mêmes experts qui y ont participé. Il n’est guère étonnant qu’ils maintiennent leurs positions. De plus, nos publications n’y sont pas analysées, ni questionnées.

L’article, et ces deux expertises n’explicitent pas en quoi, nous nous serions trompés. Le fait de paraitre minoritaire ne démontre nullement que nos propos soient erronés ; les débats scientifiques ne se résolvent jamais au pourcentage des voix ou au terme d’un quelconque consensus. Les seules expertises collectives, commandées pour des raisons diverses par les ministères, ne sauraient seules faire autorité sur les questions scientifiques. L’histoire des sciences a bien démontré que des idées nouvelles mettaient beaucoup de temps pour être admises par la collectivité. ; pour prendre quelques exemples, et sans comparer leurs sujets au notre, Wegener, Pasteur, ou Semmelweis ont connu de grandes difficultés pour faire admettre par la communauté scientifique, leur théories …

Dans l’article, il est fait référence à notre ouvrage collectif « Réponse à l’écologisme, comment la connaissance permet de réfuter les peurs entretenues » éditions L’Harmattan 2016, dans lequel l’ancien président de l’AFIS, Louis-Marie Houdebine y a développé deux chapitres. La phrase de l’ouvrage citée dans l’article, est sortie de son contexte et induit le lecteur en erreur : cette phrase portait p. 188 sur deux situations : les conditions naturelles ou les conditions fortement anthropisées, mais concernant les seules eaux douces. Le cas des proliférations algales en milieu marin est abordé ensuite pp. 190 à 196. Ce que nous y précisons, c’est que la réduction de l’azote dans le milieu marin, au point de limiter la croissance des ulves, est irréaliste et probablement indésirable pour ses conséquences écologiques.

En réalité, aucune expertise scientifique sérieuse, indépendante et internationale n’a été menée sur les causes des proliférations d’algues vertes en Bretagne, ni sur les moyens de les limiter. Les travaux et les avis des meilleurs experts sur le sujet, comme David Schindler ou Guy Barroin sont complètement ignorés dans les expertises dites « collectives ».

Ce cas de l’origine et de la résorption des marées vertes, aurait pu faire l’objet d’un questionnement intéressant au plan scientifique, qui n’est malheureusement pas abordé dans cet article :

-        Comment les instituts de recherche se répartissent les compétences et les domaines d’intervention, sans recoupements ?

-        Pourquoi un sujet que l’on cherche à comprendre (la prolifération algale est-il appelé par un terme général (eutrophisation) qui fixe a priori une origine, ici trophique ?

-        Comment la simulation avec des modèles peut-elle occulter l’observation des faits et les mesures sur le terrain ?

-        Quelle valeur accorder à des avis d’experts qui assurent la promotion des programmes de recherche qu’ils souhaitent poursuivre ?

-        Comment se fait-il que si les algues prolifèrent, phénomène proprement écologique, leurs consommateurs n’en tirent pas parti et ne régulent pas cette croissance ?

-        Pourquoi les publications du biologiste Joël Kopp de l’ISTPM, puis de l’IFREMER, sont-elles systématiquement passées sous silence ?

Le fond étant ignoré, cet article ne peut atteindre le but qu’il s’est fixé, à savoir de clore une controverse, ; celle-ci est au contraire relancée. Au final, le principal intérêt de cet article réside dans ses illustrations.

NB : Madame Chantal Gascuel, qui est remerciée pour sa « relecture de l’article », a directement participé à la rédaction de l’expertise des instituts de recherche publiée en 2017. Comment aurait-elle pu se déjuger ?

Bibliographie

Buson C. (dir.), Apfelbaum M., Bardinet J.-P., Beslu P., Gérondeau C., Houdebine L.-M., Julien J.-L., L’hirondel J.-L., Monnier C., Proust J.-F., Veyres C., Voron H. (2016) Réponse à l’écologisme, Comment la connaissance permet de réfuter les peurs entretenues. Editions de L’Harmattan, 315 pages.

Mise à jour le Lundi, 02 Novembre 2020 10:06