Les marées vertes en Bretagne - Octobre 2009 ISTE Imprimer

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La prolifération des ulves est un phénomène ancien, connu au moins depuis le début du XXème siècle et répandu dans de nombreuses régions du monde. En Bretagne, une certaine stabilité du phénomène est observée depuis plusieurs années.


Les algues en question (du genre Ulva) ne sont pas toxiques et sont même comestibles pour l’homme ou l’animal.
Dans le milieu marin, ces algues sont consommées par la faune marine et leur élimination ne provoque aucun désordre écologique.

Seul, leur échouage provoque des gênes pour l’accès au littoral. Localement, la fermentation des dépôts d’algues échouées peut entraîner la formation de gaz nauséabonds et potentiellement toxiques en milieu confiné (l’Hydrogène sulfuré). Néanmoins, les concentrations généralement observées à proximité des échouages ne sont pas dangereuses pour la population.Il n’y a aucun lien entre l’histoire du développement agricole et celle de la prolifération de ces algues.

Cette prolifération se manifeste uniquement dans quelques baies propices, quels que soient les flux d’azote apportés par les cours d’eau. De plus, les quantités d’ulves ne sont nullement corrélées aux flux d’azote rejetés.

L’hypothèse de l’influence de l’azote apporté au printemps par les cours d’eau avait été évoquée. Après deux campagnes de mesures des flux d’azote reçus dans les baies propices (IFREMER-AELB, 1997,1998), aucune corrélation n’a pu être vérifiée, ce qui oblige à l’abandon de cette hypothèse.

Ainsi, l’examen des flux d’azote apportés par les cours d’eau, que ce soit au global, ou au printemps, démontre qu’il n’y a aucune corrélation avec la prolifération des ulves.

Ce sont essentiellement les conditions géomorphologiques et hydrodynamiques qui déterminent le développement et l’échouage des ulves : faible pente de l’estran, faible dispersion des masses d’eau vers le large, effet de lagunage. Ceci explique que le phénomène soit localisé sur quelques baies, essentiellement sur la côte nord de la Bretagne.

Les besoins en azote des algues sont infimes, comparés aux masses d’azote en jeu dans le milieu marin.

Compte tenu des diverses origines de l’azote des eaux marines, des masses considérables en jeu, comparées aux besoins des algues, aucune carence en azote dans le milieu marin ne pourra jamais être observée ; la réduction de la croissance algale ne pourra donc jamais être atteinte, au moyen d’une baisse des flux et des concentrations en nitrates des cours d’eau bretons.

Les tentatives de modélisation du phénomène prennent pour hypothèse le rôle déterminant des apports par les cours d’eau sur la croissance des ulves, alors que les mesures de terrain ont montré que cette hypothèse devait être abandonnée.

Dès lors, nous ne pouvons tirer aucun enseignement des simulations obtenues par ces modèles.

Nous ne connaissons pas actuellement de moyen d’action efficace, pour prévenir le phénomène. La recherche, doit se poursuivre sur d’autres facteurs explicatifs que l’azote. Le devenir du phosphore, dont le cycle ne comprend pas d’échange avec l’atmosphère, doit être étudié.
La récolte précoce et la valorisation des algues constituent des orientations prometteuses.

Par contre, il est certain que la réduction des flux d’azote issus des bassins versants, n’aura aucun impact sur le phénomène des proliférations d’algues. L’azote ne constitue ni le facteur limitant, ni le facteur de maitrise du phénomène. Le meilleur ajustement de la fertilisation des cultures ne doit être poursuivi que pour des raisons agronomiques et économiques.

Les programmes d’actions environnementales doivent être profondément revus pour intégrer ces constats.

L’impact économique de cette méprise concernant l’azote, que ce soit pour les dépenses publiques ou pour les dépenses demandées aux exploitations agricoles est considérable, sans parler des méfaits induits par l’image injustifiée attribuée durablement à toute la région Bretagne et à ses filières économiques.


POUR EN SAVOIR PLUS :


Guy BARROIN, 2000, Phosphore, azote et prolifération des végétaux aquatiques, Assises Internationales Envirobio,; Gestion des risques. Santé et environnement: le cas des nitrates, 13-14 novembre 2000, Paris ; lettre de l’environnement de l’INRA février 2003
ISTE 2009 Marées vertes à ulves en Bretagne : état des connaissances