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- Assises ENVIROBIO 2000 -

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"Gestion des risques Santé et Environnement : Le cas des Nitrates"
La France est, depuis quinze ans, périodiquement balayée par des vagues de peurs sanitaires à propos de la dioxine, des pics de pollution atmosphérique, de la contamination radioactive de champignons ou de sangliers, des leucémies autour de la Hague, de la pollution d'origine agricole, des nitrates dans l'eau de boisson ou les rivières, et bien entendu de l'affaire de la vache folle.

Même quand la majorité Cles scientifiques considèrent ces risques comme faibles, voire inexistants, ils font la une des journaux et accaparent l'attention, et souvent les crédits de recherches, tandis que les risques réels (le tabac, l'alcool, les drogues, les accidents, les suicides des jeunes, l'obésité, la sédentarité, etc..) qui sont responsables, chez les hommes, de plus de 60 % de décès prématurés (survenu avant 65 ans), ne sont guère discutés et que les crédits qui leur sont alloués sont réduits à la portion congrue. Les risques professionnels eux-mêmes sont insuffisamment étudiés.
Que peut-on faire contre ces inquiétudes disproportionnées ?
Il faudrait, d'abord, essayer avec le plus d'objectivité et de rigueurs possibles d'évaluer quantitativement ces risques. Parler d'un risque doit être accompagné d'une estimation de sa grandeur. Ceux qui ont la responsabilité de fixer les normes se trouvent souvent dans des situations difficiles: les groupes de pressions, les consommateurs peuvent leur reprocher l'insuffisance de la marge de sécurité. Inversement les acteurs économiques peuvent récriminer contre le surcroît des coûts et des contraintes. Les autorités doivent donc s'appuyer sur des experts crédibles et indépendants. D'où l'importance croissante du rôle des experts scientifiques. Les Académies, notamment celles des sciences et de médecine, devront en accepter la charge, comme l'a dit le rapport sur le principe de précaution de Kourilsky-Viney, car elles ont l'avantage d'être indépendantes des pouvoirs politiques et des intérêts financiers et économiques; de plus elles sont multidisciplinaires et peuvent, en raison de leur prestige, faire appel à tous les experts nationaux et internationaux.
De plus, il ne suffit pas de fixer des normes, il faut insister sur la nécessité de leur révision périodique, en fonction de l'évolution des connaissances, tantôt pour les abaisser si les risques avaient été sousestimés
mais aussi les relever si les données scientifiques ne confirment pas les craintes initiales.
En effet, un niveau trop bas des normes, outre les inconvénients économiques, pose deux autres difficultés. D'une part si le public comprend mal la signification des normes, il s'imagine que quand la
concentration s'approche de la valeur fixée par la norme, cela entraîne déjà un danger et, a fortiori, quand elle le dépasse, il croit que ce danger devient grave. Or une norme est établie en supposant une ingestion quotidienne, tous les jours de l'année, de produits avec la concentration maximale fixée par la norme. Il en résulte que si la norme est dépassée pendant quelques jours, ou semaines, cela n'aura aucun inconvénient sanitaire si la concentration est, à d'autres périodes, est très inférieure à la norme. D'autre part, si le fondement scientifique des normes paraît peu crédible, cela entraîne un accroissement des infractions par exemple, quand la vitesse autorisée sur une route paraît trop basse, la limite est moins respectée.
Ainsi une norme requiert rigueur et objectivité dans l'estimation des risques, transparence dans le processus de décision (exposé des motifs et analyse précise des risques visés) et, crédibilité scientifique. Cela impose donc leur remise en question périodique car il n'est pas de vérité éternelle.

Ces exigences sont indispensables à la mise en oeuvre dans de bonnes conditions d'une réglementation.
La transparence démocratique s'impose d'autant plus, au niveau d'un pays comme au niveau de l'Europe, que la fixation d'une norme peut être une façon détournée d'imposer une politique ou de limiter les échanges internationaux.
Une réunion telle que celle que nous avons aujourd'hui doit respecter les mêmes critères de rigueur scientifique et d'objectivité. Elle doit permettre à des experts dont les points de vue diffèrent, de s'exprimer et de discuter librement car dans le monde scientifique, il n'est ni tabou, ni dogme.
Cependant, une controverse, n'est utile que si les arguments s'appuient sur des faits et non sur des opinions. Les faits ayant été clairement exposés, en reconnaissant et en délimitant les zones d'incertitude, il appartient ensuite aux hommes politiques de prendre leur responsabilité en connaissance de cause. La publication des comptes-rendus de ces controverses peut les y aider.
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